Ceux qui laissent une trace

La vie, c’est drôle. J’ai côtoyé certaines personnes durant de nombreuses années sans que j’en garde un souvenir clair. Leurs traits sont depuis longtemps flous, voire même effacés de ma mémoire. Si je les croise, le malaise est assuré… surtout que je n’ai ni la mémoire des noms, ni celle des visages… Mon cerveau fait parfois très dur dans le domaine social.

Mystérieusement, certains humains croisés ont échappés à ce sort… Pour certains, le passage dans ma vie a même été extrêmement bref, mais ils sont imprégnées dans ma tête. Est-ce que cela veut dire quelque chose? Comme ce n’est pas nécessairement mutuel… pourquoi nos esprits s’accrochent parfois à d’autres comme ça?

Éloge de la légèreté

Je suis nostalgique de la légèreté de ma vingtaine : pouvoir repartir à zéro, m’enfuir, avoir la conviction de posséder toutes les ressources pour faire un 180 degrés. Et savoir qu’à tout moment je pouvais prendre un nouveau chemin, me lancer dans une nouvelle aventure. Maintenant officiellement adulte (bon, dans ma tête pas toujours) et que j’ai des gens et des choses à ma charge, je trouve que ma barque est pas mal moins agile. Tout est possible, encore, mais le changement de cap demande tellement d’énergie.

J’ai pourtant la certitude que dans 30 ans je vais me dire que j’étais bien jeune et que le monde m’appartenait encore à l’âge que j’ai aujourd’hui. Ce n’est qu’une question de perspective. La difficulté de faire une chose ne fait qu’ajouter à la nécessité d’entreprendre, paraît-il.

Une décennie flambant neuve

L’heure est au bilan qui se veut particulièrement simple pour moi cette année. Ce fut une période de réflexion, de marge et d’ombre. Tout est en place pour une nouvelle étape, qui arrive avec une belle décennie toute neuve. Après les constats affligeants et la désillusion des années 10, place à l’action, la discipline et la collaboration. Qui est avec moi? Personne encore, je sais bien, mais je trouverai.

Les baleines

Nous sommes là à scroller douze étages par jour sans avoir la force de s’insurger plus que quelques instants. Des images de ces bêtes majestueuses passent parfois dans nos fils et nous émerveillent puis, ça nous prend au coeur : nos baleines n’existeront probablement plus qu’en peluches made in China dans un futur pas si lointain.

Une amie qui m’est très chère a quitté la ville pour aller vivre là où le fleuve gère les humeurs du climat. Son obsession pour les grands espaces et la nature se faisait de plus en plus pressante : les baleines sont encore dans nos eaux, en ce moment même. On a encore le temps de se gaver de leur beauté. Et j’ajoute: on a aussi le loisir de leur foutre la paix pour qu’elles y soient encore longtemps.

L’été dernier, en arrivant sur une berge austère du nord du fleuve, c’est d’abord le souffle d’un petit rorqual qui nous a fait deviné sa présence. Régulier, puissant, calme. Instant magique. Le lendemain, un trio de baleines à bosses allait nous faire un spectacle que nous n’oublierons jamais. Elles glissaient, s’amusaient, sautaient. Véritables monuments vivants en hommage à la force de la nature, mais surtout des mammifères comme nous, à la fois immenses et fragiles. Nous sommes plus interconnectés que l’on le croit.

 

L’état de manque

Plusieurs études nous parlent de pourcentage alarmant de détresse psychologique chez les étudiants, les médecins, les travailleurs autonomes, etc.  Peut-on s’entendre sur le fait que ça ne sert pas à grand chose de segmenter? Beaucoup de gens sont malheureux, point. Le monde d’aujourd’hui nous écrase, nous enlève le sens du beau. Il nous assèche. L’état de manque est constant mais on ne sait pas trop vers quoi se tourner. Au final, qu’est-ce qui nous nourrit? Qu’est-ce qui nous amène à nous sentir entier, bien?

À l’aube des années 20

Ça y est je crois. Je suis au bout du bout. Encore des mois et des mois passés en apnée à croire que la semaine suivante sera moins occupée. À survivre jusqu’au weekend, pour ensuite survivre jusqu’au début de la semaine. À croire que je prendrai bientôt le dessus sur ma liste de choses à faire. Bref, des mois à faire. À me demander parfois qui je suis pour en conclure, le plus souvent, que je ne suis pas, je ne fais que faire.

La décennie 2010 m’aura apporter quelques très belles choses, surtout deux, mais elle aura aussi été le théâtre de beaucoup de déceptions. De ma part, d’abord, pour ma capacité légendaire à supporter des situations qui ne me conviennent pas. Mais aussi, surtout, de la part de l’humanité que j’aime et je redoute à la fois. Nous avons tous les outils possibles et inimaginables pour faire de belles et grandes choses. Pour trouver un équilibre. Mais nous préférons rester dans notre roue de hamster. C’est rassurant. Mais ça nous mine aussi. Ça nous coule, lentement. Ça nous tire vers le bas.

Donc voilà. Je lâche ma roue? Je vais voir ailleurs si j’y suis?

La maternité et le reste

Mes cerveaux préférés sont franchement bien divisés entre le genre masculin et le genre féminin. L’intelligence, la créativité et l’ingéniosité n’ont pas de sexe après tout. Ce qui en a assurément un? Les soins aux enfants et l’organisation familiale. Je suis certaine que nous avons collectivement manqué de l’apport de bien des femmes dans l’histoire récente de l’humanité. Elles étaient sans aucun doute occupées à torcher autrui.

Les enfants, c’est beau et ça grandit vite, mais c’est quand même un minimum de 5 ans de perdus au niveau de l’avancement, de la création, de la croissance professionnelle. C’est une expérience fabuleuse de voir mes bébés-larves se transformer en des mini humains dotés d’intelligence, de raison, d’humour… mais c’est vraiment moi qui me suis tapée (et me tape encore) le gros de la job. Du temps pour moi? Il ne me reste que des restes de restants. Des miettes de miettes de temps. Quand j’ai à peu près atteint quelque chose d’acceptable pour préserver ma réputation au travail, pour la survie des enfants, du chat et du moral de la famille (je vous jure, j’ai pas de hauts critères) je n’ai plus de jus. Je ne suis plus moi. Je suis lessivée. Je vais souvent me coucher en me disant que demain sera mieux. Que je me lèverai plus tôt pour avoir du temps avant le réveil de la maisonnée. Que j’aurai le temps de manger autre chose qu’un bout de toast abandonné par la plus jeune. Que cette journée flambant neuve n’en sera pas une autre éreintante à courir d’un rôle à l’autre en me sentant inadéquate dans chacun.

Je me révolterais bien contre ce système, trop peu remis en doute, qui est devenu véritable machine à burnout. Mange un yogourt. Fais du yoga. Prends un bon bain chaud. Sois positive. Bullshit. Je me révolterais bien, donc. Pas demain. Déjà, j’ai hypothéqué une partie de mon énergie en veillant pour écrire ces lignes. Après-demain peut-être? Ou jamais, c’est selon.

Sursis

L’école primaire, c’est nouveau pour nous cette année. Tout un changement suite à la garderie. Disons que je voyais d’un mauvais oeil cette semaine additionnelle de congé, juste après les fêtes… mais finalement, c’est une superbe idée! Au lieu de s’étourdir de fêtes et d’activités avant de repartir l’année comme si de rien, ça donne le temps de tomber au neutre. Même les filles y prennent goût. On ne fait rien et c’est fantastique. Ça me laisse aussi tout le loisir de constater ce qui ne fonctionne pas dans ma vie, mais bon… Ce n’est pas parce que je ne visite pas ces racoins souvent qu’ils n’existent pas.

Le bruit ambiant

Il s’amplifie ce bruit, année après année. Tellement de contenus insignifiants qui défilent sans fin. Mais au travers, des perles, tout de même. Peut-on ne conserver le meilleur? S’isoler de tout ce qui n’est pas de la trempe de mon frère ou disons des Catherine Ethier, Matthieu Dugal, Rafaël Ouellet et Fanny Britt de ce monde? Est-ce que sans contenu médiocre, la pertinence serait moins intéressante?

La dernière chanson de Reggiani affirmait: c’est drôle les cons, ça repose. C’est comme le feuillage au milieu des roses. A-t-on besoin de cons pour apprécier le reste? Peut-être que oui. Mais une question demeure entière: en a-t-on besoin d’autant?

Les aurores

La première chose sur ma bucket list de cette année est de revoir des aurores boréales. Pour le spectacle et la poésie, certes, mais aussi pour l’obligation de déconnexion impliquée dans ce moment. Montréal est bien belle, mais son intensité ne laisse pas grand place au ciel nocturne. Je viens d’une région et le ciel étoilé me manque. D’être à l’extérieur dans la nuit noire, aussi. L’observation de la voûte céleste m’a toujours donné un léger vertige, un frisson. C’est beau là-haut, c’est grand, ça grouille.

Des aurores, le hasard m’a amené à en voir quelques fois dans ma vie. Je ne m’y fierai pas cette année. Il faudra créer des occasions, chercher le nord, le mien, et prendre le temps d’attendre un ciel sans nuage.